Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Résumé

Qu’est-ce que le passé ? Le poème The Waste Land de T.S. Eliot répond à cette question en montrant le mélange amer de mémoire et de désir que crée toute apparition du passé dans un sol mort. L’oubli complet, lié à l’hiver, est plus confortable que le réveil imposé par le printemps. La reverdie est liée au sentiment de perte : c’est lorsqu’on (re)découvre une œuvre que s’instaure un sentiment élégiaque rétrospectif, faisant émerger le sentiment d’une privation dont on était jusqu’alors inconscient. Une part du paysage qui nous entour est faite d’éléments anciens, mais ces derniers ne sont jamais aussi nombreux que les « nouveautés ». Le passé qui est présent autour de nous n’est pas le passé : ce n’est qu’un passé parmi d’autres possibles, d’autres passés qui auraient pu exister dans notre conscience. Et la conscience de ces virtualités du passé, la conscience que nous pourrions en conserver une mémoire toute différente, cette conscience-là est déjà assez vertigineuse en elle-même.

À partir de quand une chose appartient-elle au passé ? Le journal, un édifice, une œuvre musicale, n’ont pas le même « régime d’historicité » (Hartog). Barthes a montré que le « système de la mode » est destiné à créer un passé artificiellement accéléré. En littérature, la durée des paradigmes est plus longue, et un film de Murnau dépayse bien plus qu’un roman de Virginia Woolf ; l’un et l’autre sont pourtant contemporains. À cela s’ajoute la question de la postérité : Hamlet, quoique ancien, continue d’être vivant, alors que d’autres œuvres sont mort-nées. Mais le passé qui subsiste est lui-même précédé d’un passé : Homère a fait oublier des poètes plus anciens. « Le vieux Paris n’est plus » écrivait Baudelaire : le tempo de la réalité change plus vite encore que le cœur humain, et suscite ainsi une souffrance mélancolique. Cette asynchronie caractérise une part de la modernité.

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