Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
En libre accès, dans la limite des places disponibles
-

Résumé

Le poème « Palme » de Paul Valéry explore les deux causes de l’œuvre : d’une part, la propension de l’esprit à produire ; d’autre part, une causalité externe, celle qu’induit le monde social. En effet, selon Valéry, et dans la continuité de la philosophie bergsonienne, tout créateur crée pour autrui : le « dissemblable » (l’unique, le créateur) crée pour son semblable.

Et si cette relation avec autrui, cette reconnaissance d’une altérité douée d’une intention, était première dans l’existence des œuvres ? Car le fait est que, quand bien même il n’y aurait pas production matérielle d’œuvres, des œuvres se découpent spontanément dans le réel, sous notre regard et parfois sans l’exercice de notre volonté ; autrement dit, nous découpons spontanément des œuvres dans le réel : c’est le rôle de la perception, de l’interprétation. L’état poétique est un état naturel, que l’on éprouve spontanément.

Ainsi, la simple contemplation du monde peut susciter un état poétique, que la poésie consiste à recréer. La célèbre Lettre de Lord Chandos de Hofmannsthal est composée par quelqu’un qui prétend ne pas pouvoir mettre en mot l’intensité du réel, la surabondance du réel (il est tout de même capable d’écrire la lettre que nous lisons, mais c’est une autre histoire). La beauté du monde a néanmoins été vue comme la preuve de l’existence de Dieu au moins depuis le Psaume 19 : « Les cieux racontent la gloire de Dieu, / Le firmament proclame l’œuvre de ses mains. » Même sans l’hypothèse d’un Dieu créateur, la capacité de l’esprit à distinguer des œuvres dans le monde, de « lire » le monde comme un texte, est selon Mallarmé l’apanage du poète.