En se faufilant dans la brèche du triennio révolutionnaire qui suit, le 13 août 1447, la mort du duc Filippo Maria Visconti, et en tentant de repolitiser le récit de ce qu’on a appelé la « révolution ambrosienne » et qui est en réalité une restauration communale, on cherche à articuler le rapport entre tempo révolutionnaire et rythmes de la ritualité politique. La remémoration ambrosienne est le discours d’escorte de la radicalisation politique. Si le recours au saint compense bien la défaillance des princes, l’analyse permet de nuancer les fausses évidences de la religion civique par l’épreuve historiographique de la comparaison : avec la fête révolutionnaire comme « transfert de sacralité » et rite de fondation, avec le « formalisme buté » (Mona Ozouf) du spectacle festif, avec les limites de l’interprétation de l’« enthousiasme civique » (Nicolas Mariot). Le cours propose l’analyse lexicographique d’une source sérielle : les cris (crida et bando, crida et avisamento, crida et notitia) des Registri Panigarola et avec elle l’emballement d’un discours sur la république en danger. Dans les derniers cris de la République ambrosienne (demonstare la sua fede et amore portano al Stato nostro ambrosiano) s’entendent non pas des identités, mais des intentions d’identité, non pas des appartenances mais des volontés d’appartenir. Dans la brèche, s’observe donc l’irruption d’un langage politique nouveau. Ce qui posera un problème spécifique aux nouveaux maîtres de Milan : comment en effacer les traces ?
11:00 à 12:00
Cours
La brèche : révolutions ambrosiennes
Patrick Boucheron