Résumé
La sixième leçon a poursuivi cette voie, et abordé l’histoire philosophique plus contemporaine, en examinant la sémantique des EN proposée au milieu des années 70 par Saul Kripke [1] et Hilary Putnam [2]. Ces deux auteurs en effet, bien que par des voies différentes, estiment possible une sémantique des termes d’EN qui soit en mesure de déterminer une classe de termes généraux désignant bel et bien des EN, au sens métaphysique du terme : les éléments chimiques sont des espèces de ce genre, dont on peut découvrir empiriquement l’essence, et qui sont métaphysiquement nécessaires bien que connaissables a posteriori. Il y a donc des identités théoriques telles que « l’eau est H2O » ou « l’or est l’élément dont le nombre atomique est 79 » et la sémantique des termes permettront de faire le départ entre ces termes authentiques d’EN (« or » ou encore « eau ») et des termes non naturels (« célibataire » ou « crayon »). On a donc analysé ce désir d’alignement de la perspective sémantique sur la perspective métaphysique tant dans le courant kripkéen que dans le courant putnamien. Putnam vise surtout le relativisme en philosophie des sciences (Kuhn et ses paradigmes [3]) ; Kripke se fixe plus sur le statut censé être nécessairement a posteriori des « identifications théoriques » : ces termes généraux que sont les termes d’EN sont analogues à une catégorie sémantiquement distinctive de termes singuliers, à savoir, les noms propres. L’ambition est de donner ainsi un nouveau relief à l’essentialisme (jusque-là associé, davantage qu’à la notion aristotélicienne, à l’épistémologie douteuse du rationalisme intellectualiste cartésien), un essentialisme ôtant tout mystère aux essences, qui nesont plus dites connues a priori à l’aide d’une faculté rationnelle. Si c’est l’investigation empirique qui nous en donne la connaissance, on n’est plus en présence d’entités inintelligibles.