Résumé
La septième et dernière séance a permis de revenir sur le sens que peut revêtir aujourd’hui une réévaluation du pragmatisme. On a défendu l’idée selon laquelle la pertinence majeure de celui-ci est à rattacher, non pas à la mise en évidence de thèmes anti-réalistes, position aujourd’hui la plus courante, notamment chez les néo-pragmatistes que sont Robert Brandom ou plus récemment Huw Price, mais au contraire à l’affirmation des liens étroits que le pragmatisme bien compris a eus, par le passé (notamment chez Peirce), et doit continuer à tisser avec le réalisme. C’est sur cette question (réalisme vs anti-réalisme) que se font les vraies différences entre telle ou telle version du pragmatisme, ainsi que sur celle de l’engagement (ou non) que l’on prend en faveur de la métaphysique.
On a rappelé que, à ses débuts, dans la forme qu’il avait revêtue chez Peirce, le pragmatisme se présentait d’abord comme une méthode (et non comme une doctrine) de clarification conceptuelle dont les fins thérapeutiques s’exerçaient sur une fausse interprétation du réalisme (au sens du réalisme métaphysique ou platonisme), et s’est entendu d’emblée comme un réalisme sémantique, scotiste, aux allures même de « réalisme scolastique extrême », farouchement anti-réductionniste et prônant l’irréductibilité et la réalité de l’indéterminé au niveau logique, physique épistémologique et ontologique ; un réalisme scientifique aussi, prenant appui sur la logique et les mathématiques et impliquant un engagement métaphysique fort. On a alors dégagé les éléments principaux de ce que pourrait être aujourd’hui un réalisme pragmatiste bien compris : il serait de nature sémantique, certes, non monolithique ensuite, attentif à l’analyse phanéroscopique ou catégorielle, soucieux aussi d’éviter l’idéalisme (en rappelant la contrainte externaliste, causale et dynamique du réel) ; non agnostique, posant le réalisme comme hypothèse explicative nécessaire, sans exclure, en raison notamment de la force de l’indéterminisme sémantique, épistémique et ontologique assumé, certains accents anti-réalistes ; mais un réalisme décidément ontologique (contra Putnam, par exemple) qui suppose la mise en place d’une métaphysique scientifique réaliste (une fois la métaphysique « purifiée ») et donc l’option pour le réalisme scientifique (contre l’instrumentalisme) ; et qui prône aussi l’engagement métaphysique du réaliste scientifique (en ne traitant donc pas seulement de la vérité et de la référence, mais aussi de la nature des propriétés réelles). On a conclu sur le sens que revêtirait un tel pragmatisme : une certaine conception de la philosophie et de ses rapports avec la science, passant par un nécessaire examen des premiers principes, rappelant donc l’indispensabilité de la métaphysique, mais aussi une certaine idée de la priorité de l’éthique et de sa visée.