Résumé
L’insistance des laudes est-elle un archaïsme ? Dès le début du XIIIe siècle, les louanges royales renvoient à une matrice théologico-politique qui n’a plus cours, puisqu’elle confond le règne et le sacerdoce. On se propose ici d’appeler gloire, à la suite des analyses de Giorgio Agamben, ce seuil d’indistinction entre le juridique et le religieux où se mêlent liturgie, cérémonies, insignes, acclamations. Bien loin de ne désigner qu’une antériorité chronologique dans l’histoire des pouvoirs, la gloire reste toujours active dès lors que le pouvoir reste cet « objet digne d’acclamations » pensé par Pierre Legendre – et voici pourquoi le Moyen Âge peut énoncer « la vérité anthropologique de la modernité européenne ». Si le mystère de l’office est celui de son efficacité, c’est bien cette énigme liturgique qu’il s’agit de cerner par des fictions politiques. Épreuve cruciale du conflit entre empire et papauté, la pénitence de Canossa (1077) se prête alors à ce type d’analyse historiographique. On en propose ici une relecture à partir des querelles mémorielles et des conflits d’interprétation (suivant notamment les propositions de Johannes Fried). Ritualisation d’une négociation préalable au filtre de la théorisation carolingienne d’un triomphe chrétien de l’humilité, Canossa vaut aussi, ainsi que l’a montré Stefan Weinfurter, comme expérience du désenchantement.