Résumé
Si la pénitence de Canossa donne à voir le moment où l’humilité chrétienne se renverse en spectacle de gloire, quelle fut la disponibilité politique de son souvenir au temps du « chiasme grégorien » ? Dans cet échange entre sacralité et souveraineté se joue la possibilité d’une expérience politique, ou plutôt la possibilité qu’il y ait des expériences – une histoire des pouvoirs et pas seulement de la domination de l’ecclesia, exaltée par une certaine historiographie. On revient ici sur ce que Pierre Toubert a appelé « l’expérience décisive du mouvement grégorien », en tentant d’en mesurer la productivité à la lumière des analyses récentes (par Florian Mazel notamment). En légitimant l’idée de nouveauté, les réformateurs valorisent les expériences singulières, portant notamment sur les genres de la vie religieuse. Suivant les analyses de Jacques Dalarun, on reprend dans cette perspective le dossier de la congrégation érémitique de Grandmont, envisagé dans sa dichotomie documentaire (Livre des sentences et règle). On s’attache en particulier aux modalités d’élection du prieur et de construction du consentement, pointant dans le presque tous (« à ces mots, presque tous dirent d’une voie unanime… ») une forme d’invention du politique, la communauté monastique pensant la société depuis son extérieur.