Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Résumé

Si la pénitence de Canossa donne à voir le moment où l’humilité chrétienne se renverse en spectacle de gloire, quelle fut la disponibilité politique de son souvenir au temps du « chiasme grégorien » ? Dans cet échange entre sacralité et souveraineté se joue la possibilité d’une expérience politique, ou plutôt la possibilité qu’il y ait des expériences – une histoire des pouvoirs et pas seulement de la domination de l’ecclesia, exaltée par une certaine historiographie. On revient ici sur ce que Pierre Toubert a appelé « l’expérience décisive du mouvement grégorien », en tentant d’en mesurer la productivité à la lumière des analyses récentes (par Florian Mazel notamment). En légitimant l’idée de nouveauté, les réformateurs valorisent les expériences singulières, portant notamment sur les genres de la vie religieuse. Suivant les analyses de Jacques Dalarun, on reprend dans cette perspective le dossier de la congrégation érémitique de Grandmont, envisagé dans sa dichotomie documentaire (Livre des sentences et règle). On s’attache en particulier aux modalités d’élection du prieur et de construction du consentement, pointant dans le presque tous (« à ces mots, presque tous dirent d’une voie unanime… ») une forme d’invention du politique, la communauté monastique pensant la société depuis son extérieur.

Sommaire

  • Il neige à Canossa : brefs rappels
  • Pénitence, Réforme et souveraineté : « Il lui fit la leçon en lui apprenant à distinguer les lieux » (Théodoret de Cyr, Histoire ecclésiastique)
  • Le moment grégorien et le trait épais d’un long XIIe siècle : séparation ou charnière ?
  • Ecclesia, dominium et « double fracture conceptuelle » (Alain Guerreau, L’avenir d’un passé incertain. Quelle histoire du Moyen Âge au XXIe siècle ? Paris, 2001)
  • Qu’est-ce que l’archaïsme ? La critique des catégories du théologico-politique et les illusions de « l’indistinct primordial » (Paolo Prodi)
  • L’insistance sur l’altérité radicale du Moyen Âge : stratégie, critique et fausses familiarité (Jérôme Baschet, « Entre le Moyen Âge et nous », dans Didier Méhu, Néri de Barros Almeida et Marcelo Cândido da Silva dir., Pourquoi étudier le Moyen Âge ? Les médiévistes face aux usages sociaux du passé, Paris, 2012)
  • La théologie n’est pas un bloc de certitudes, ses logiques lexicales sont toujours actives aujourd’hui (Giacomo Todeschini)
  • « C’est ainsi, comme par effraction en quelque sorte, et à petits pas, que la nouveauté est entrée sur la scène de l’histoire en Occident » (Levent Yilmaz, Le temps moderne. Variations sur les Anciens et les modernes, Paris, 2004)
  • Dissémination : les pouvoirs dans l’Europe post-grégorienne
  • Qu’est-ce que « l’expérience décisive du moment grégorien » ? (Pierre Toubert, « Église et État au XIe siècle : la signification du moment grégorien pour la genèse de l’État moderne », dans Jean-Philippe Genet et Bernard Vincent dir., État et Église dans la genèse de l’État moderne, Madrid, 1986)
  • « Si tu t’avises de nous opposer la coutume, rappelle-toi que le Seigneur n’a pas dit : “Je suis la coutume” mais “Je suis la vérité” » (Grégoire VII à Wimundus, 1073)
  • Théologie de la vérité et « légitimité du neuf »
  • « La légitimité de la nouveauté ressort aussi de la valorisation des expériences singulières et de la multiplication des genres de vie religieuse » (Florian Mazel, Féodalités, Paris, 2010)
  • La fin de l’âge des expérimentations ? « De peur que l’excessive diversité des religions n’entraîne une grave confusion dans l’Église de Dieu, nous prohibons fermement que quiconque invente désormais une nouvelle religion » (constitution 13 de Latran IV, 1215)
  • L’indignité au pouvoir : le projet renversant de Robert d’Arbrissel (Jacques Dalarun, Gouverner c’est servir. Essai de démocratie médiévale, Paris, 2012)
  • « À ces mots, presque tous dirent d’une voie unanime » : le presque tous, ou l’invention du politique – Une expérimentation politique : la congrégation érémitique de Grandmont et Étienne de Muret 
  • La réforme grégorienne attaque au cœur des lignages : de la déparentalisation (Joseph Morsel) au détournement de fidélité de la parenté charnelle à la parenté spirituelle (Jacques Dalarun) ­
  • L’intuition et l’institution, Le livre des sentences et la règle de Grandmont : dichotomie documentaire ou archéologie politique ?
  • « Tout bien est meilleur en commun que s’il ne l’est pas » : l’utopie sociale et la circulation de la caritas 
  • Mutuelle charité et obéissance réciproque : le sens de la communauté 
  • Marthe, Marie et les convers : gouverner « non par la domination mais par la charité » 
  • « Lorsqu’il faut élire le prieur » : procédures électorales et construction du consentement 
  • Qui est exclu ? La parité et la part mineure 
  • Le monachisme pense la société depuis son extérieur : Danièle Hervieu-Léger, Le temps des moines. Clôture et hospitalité, Paris, 2017 
  • La réversibilité des expériences : hospitalité inconditionnelle ou enfermements ? (voir le web-documentaire « Le cloître et la prison. Les espaces de l’enfermement » http://cloitreprison.fr/
  • S’essayer à la démocratie ? « Des accommodements, des reprises, des labeurs » (Marielle Macé, « Une humilité insolente. La résignation au pouvoir », Critique, 810, 2014) 
  • Ce que vise l’expérience politique : un mode d’existence qui n’est jamais dissociée de sa forme (Giorgio Agamben, De la très haute pauvreté. Règles et formes de vie, trad. franç., Paris, 2011) 
  • Les conditions religieuses de l’expérience politique au Moyen Âge ? : « le bois de la croix est à la fois la charpente et l’écharde des sociétés médiévales » (Jacques Dalarun) 
  • Envoi : le baptême d’Ômura Sumitada, Kyûshû, 1563 (Nathalie Kouamé, Le Christianisme à l’épreuve du Japon médiéval, Paris, 2016)

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