Amphithéâtre Maurice Halbwachs, Site Marcelin Berthelot
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Résumé

Comment les Anciens ont-ils imaginé le début du droit ? La représentation de l’origine du droit s’inscrit dans la représentation plus générale de l’évolution de la société humaine, soit méliorative (à partir d’un état de vie semblable à celui des bêtes sauvages, qui s’améliore progressivement, vers la cité et la « civilisation »), soit régressive (d’un âge d’or vers un état de souffrances et d’injustices). Les prémisses sont à rechercher dans la pensée grecque, notamment à travers la poésie.

Hésiode écrit Les Travaux et les Jours après avoir perdu un procès (réel ou fictif) intenté par son frère Persès au sujet du partage de l’héritage paternel et en étant menacé d’un nouveau procès par ce frère qui avait dilapidé tout ce qu’il avait obtenu : il met en scène Dikè, la Justice, qui y apparaît fréquemment (environ tous les trente vers). Elle est opposée à l’hybris, la démesure. Fille de Zeus, elle siège près de lui pour lui dénoncer l’injustice des hommes. « Dikè », cela signifie s’en tenir au sien, sans nuire à autrui, l’attitude équilibrée de chacun à laquelle les jugements doivent se conformer. Cette attitude distributrice favorise la prospérité pour toute la communauté. Aratos de Soles, au IIIsiècle av. J.-C., reprend cette vision lorsqu’il écrit, à la demande du roi de Macédoine Antigone Gonatas, Les Phénomènes célestes, où il rapporte la catastérisation de Dikè, sa transformation en astre, en l’occurrence en la constellation de la Vierge. Dikè a, en effet, abandonné la terre, écœurée par l’injustice des hommes. Comme pour Hésiode, Dikè, aux yeux d’Aratos, ne représente pas des normes externes, mais un comportement équilibré.

Ce mythe d’un âge d’or qui se serait achevé à cause de la déchéance des hommes et de la fuite d’Astrée (la Vierge Justice) a été décliné dans les arts, de l’époque romaine jusqu’à l’époque moderne. Dans les Métamorphoses d’Ovide, qui font allusion à ce récit, une dichotomie se dessine entre une idée de justice comme attitude mesurée, exprimée par l’équité, et des normes externes pour contraindre les hommes à la justice, les lois. L’une des réutilisations les plus célèbres du mythe de l’âge d’or et de la Vierge Justice se trouve dans les Géorgiques (2, 458-460) de Virgile, qui loue la vie sobre et pieuse des paysans, et une terre qui distribue à tous – avec justice – ce qu’elle produit. Les paysans sont les derniers à voir la Justice, qui laisse son vestigium, son empreinte, sur les champs avant d’abandonner la terre. Or vestigium est le mot également employé par Nerva le Jeune dans le passage lu lors du cours 1 (D., 41, 2, 1 pr.) : la propriété acquise par la chasse et la pêche est l’empreinte laissée sur le droit du présent par une étape précivique (et imaginaire) de la vie des hommes, presque un âge d’or. Que le juriste ait eu à l’esprit ce passage de Virgile dévoile ainsi tout un arrière-plan culturel à ces naissances multiples du droit.