Résumé
L’Enchiridion de Pomponius est donc un ouvrage qui, sous l’apparence d’un récit de l’histoire du droit romain, révèle une stratégie narrative très soignée. En ont été conservés trois fragments : une introduction sur la notion de ius, un passage sur l’origine et les progrès du droit (lui-même tripartite : origine du ius, noms et origines des magistratures, succession des juristes), enfin un glossaire de termes juridiques (D., 1, 1, 2 ; D., 1, 2, 2 ; D., 50, 16, 239). Son but, mis en évidence lors du précédent cours, consiste à fournir aux jeunes lecteurs, étudiants en droit, une terminologie technique, faisant de ce manuel dans son ensemble un immense lexique. Pomponius propose également des définitions « dynamiques » s’appuyant sur un récit historique qu’il condense à travers une définition (comme à propos des lois royales).
Mais Pomponius propose aussi un autre schéma sous-jacent : une nomogonie qui établit, après une période vide de droit – représentée comme une sorte de chaos – une société pourvue de lois et soucieuse de sécurité juridique. Après l’expulsion des rois, de nouveau, une période de chaos et d’incertitude revient, avant les décemvirs et la loi des Douze Tables (Ve s. av. J.-C.). Le facteur inducteur de la tension narrative devient alors, dans le récit de Pomponius, la croissance de la cité, qui atteint une mesure déterminée, un modus, seuil critique qui demande une transformation institutionnelle. Le récit du juriste est désormais rythmé par les étapes de cette croissance de la cité qui génère une demande de sécurité juridique, de prévisibilité du droit pour assurer la stabilité des rapports humains. Les Douze Tables, en 451-450, sont dans ce parcours un moment décisif pour la stabilité de la cité : un nouveau commencement, cette fois-ci définitif, qui fait naître à son tour la nécessité d’experts, les juristes. La croissance ultérieure de la cité (au moment des première et deuxième guerres puniques) rend nécessaire de transmettre « le soin des affaires de la république au sénat ». Dans un rapport inversement proportionnel, dans la pensée de Pomponius la sécurité juridique exige que plus le nombre de citoyens augmente, plus il faut réduire le nombre de ceux qui sont impliqués dans la gestion de la res publica et de la production du droit. Le dénouement approche : que le pouvoir soit confié au prince est la fin inéluctable du récit de Pomponius, qui rejoint ainsi Tacite (Ann., 1, 2, 2), dont le juriste avait bien présent à l’esprit l’ouvrage. Ce récit presque géométrique organisé par Pomponius a au fond un objectif pédagogique : faire apprendre les notions fondamentales du droit aux étudiants, présentées sous une forme narrative.