Résumé
L’amour dans le mariage repose-t-il sur un partage entre le charnel et le spirituel, ce qui supposait que la femme puisse se donner à son époux « sans aucun frémissement de l’âme » (Georges Duby) ? Malgré les efforts des moralistes, le Moyen Âge éprouva l’impossibilité de cette séparation, comme l’atteste la vogue des commentaires du Cantique des cantiques, du XIIe au XVIe siècle, où la volonté de déplacement allégorique du désir ne fait jamais taire la véhémence de l’amour. On en étudie certains motifs, guidé par la notion d’expérience résultant de l’effort exégétique, en s’intéressant moins au sens caché qu’à son effet anthropologique et social. Car de l’expulsion du jardin d’Éden à l’intériorisation d’un jardin clos érotisé, le corps y apparaît bien comme le lieu du nouage entre poétiques et politiques de l’amour.