La neuvième leçon est partie d’objections parfois sous-évaluées et pourtant, selon nous, majeures, que l’on peut adresser au monisme dispositionnel, qui ont trait à des confusions sur le nécessitarisme et sur l’interprétation de l’essentialisme. Fréquente est en effet aujourd’hui la confusion entre essence et nécessité (K. Fine), là où il faut distinguer :
Df1 : F est une propriété nécessaire de a ssi a a F dans tous les mondes possibles qui incluent a.
Df2 : F est une propriété essentielle de a ssi le fait d’être F est constitutif de l’identité de a.
De même, on tend à occulter plusieurs acceptions possibles du concept de nécessité, ce qui empêche notamment de voir que l’intelligibilité des dispositions réside sans doute plus dans la nécessité conditionnelle de la loi qui, à son tour, n’est une description vraie du monde qu’à condition de se fonder sur ce que les choses peuvent faire, au sens dispositionnel (et pas seulement possibiliste) du terme.
La piste d’un réalisme dispositionnel permettant de donner un contenu au projet d’une connaissance métaphysique de la nature se dessine donc mieux désormais, et l’on en a décliné les principales caractéristiques (ensuite détaillées dans le séminaire) qui supposent notamment la prise en compte des quatre thèses présentées lors de la septième leçon.
Ont alors été dégagées quelques conclusions permettant de préciser à quelle connaissance métaphysique de la nature, on pouvait, selon nous, légitimement espérer parvenir. Pour ce faire, ont d’abord été présentés quelques bons arguments traditionnellement invoqués en faveur de l’humilité ; sur le plan épistémique, sur le plan métaphysique et sur le plan sémantique (par Hume, Kant, mais aussi, aujourd’hui, par des métaphysiciens convaincus du sérieux de la métaphysique comme D. Lewis, ou F. Jackson). À l’autre extrême du spectre, on trouve les arguments de ceux qui nous semblent passer d’une trop grande humilité à une audace excessive : telle est la position du réalisme structurel ontique ou du réalisme structurel causal dont on a évalué les mérites mais aussi les limites. Contre le risque d’idéalisme et de holisme, il nous semble souhaitable et possible de prôner, avec le réalisme des dispositions, une humilité « raisonnée » qui permette d’éviter « l’insatisfaction liée à tout engagement métaphysique », du moins selon certains comme B. Stroud), tout en restant consciente au moins autant que des limites de la connaissance, de tout ce qui aussi échappe à la connaissabilité (Fitch, P. Egré) et de tout ce qui, si l’on veut remplir le programme d’une authentique « connaissance métaphysique de la nature » reste à faire, car la nature ne se limite assurément pas, à la seule nature physique. La présentation plus détaillée de ce programme à l’occasion du colloque « Métaphysique et science » a déjà permis de confronter ces conclusions aux analyses d’autres métaphysiciens contemporains (S. Psillos, A.S. Maurin, H. Beebee).