Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Résumé

Un humain eudaimōn est « aimé des dieux immortels », ainsi que l’affirme Théognis (v. 653). Dans ses Élégies qui font se succéder des sentences gnomiques et moralisantes où le terme daimōn a sa place, on perçoit clairement la valeur distributive des actions de daimones à qui est rapportée la répartition des biens et des maux dans la vie humaine. Cependant, quand il s’agit de prier pour obtenir un sort favorable, c’est à un dieu spécifique que le poète s’adresse, quitte à solliciter l’envoi d’un daimōn. Cette hiérarchisation crée les conditions de la cristallisation de la puissance d’un dieu sous forme d’un agent spécifique telle qu’elle apparaît dans l’Odyssée (cf. supra) et chez Sappho (« Le poème des frères », v. 27-20).

Il arrive, comme dans le cas de Phaéthon, qu’un daimōn reçoive un nom propre. C’est ce que l’on trouve chez Théognis, où Eris, « l’Espoir », et Kindunos, « le Danger », sont considérés comme « des daimones redoutables » (v. 637-638). Mais, par ailleurs, Eris est considérée comme « la seule divinité bénéfique parmi les hommes » (v. 1135), ce qui montre une fois de plus la participation du daimōn à la divinité et les limites de toute catégorisation. La comparaison de ces affirmations élégiaques et gnomiques avec l’expression de la condition humaine telle que la mettent en scène la Théogonie et Les Travaux et les Jours permet de voir à l’œuvre ces glissements entre statut divin et action démonique rapportée à un dieu.

Les Épinicies de Pindare élargissent encore le champ de vision en plaçant la distinction entre dieux et mortels dans le registre de la puissance et de l’action des premiers sur le cours de la vie des seconds (Pythiques, XII, 28-31 ; III, 31-35 ; V, 116-124). Cette action, qu’elle soit positive ou négative, passe à nouveau par le biais de l’action démonique. Et quand cette dernière est positive, l’humain est bel et bien eudaimōn.