Résumé
Si le daimōn est bien le « signifiant flottant » que M. Detienne a vu en lui et qu’il n’a pas de consistance cultuelle, une grille d’analyse polythéiste, qui prétend faire dialoguer les traditions narratives et les cultes, pourrait sembler en porte-à-faux par rapport à ses objectifs. C’est pourquoi un détour par le site oraculaire de Dodone s’avère intéressant. En effet, des milliers de questions de consultants reprises sur les lamelles en plomb ont été mises au jour sur le site du sanctuaire de Zeus Naios [1]. Une large proportion de ces questions porte sur l’identité des entités suprahumaines à prier, à honorer, à se concilier pour obtenir l’un ou l’autre bienfait. La majorité de ces tentatives d’identification se limitent à la catégorie des theoi (« lequel des dieux faut-il prier ? »). Pour moitié, l’alternative theoi/hērōes est aussi bien présente (« lequel des dieux ou des héros faut-il prier ? ») et, dans une moindre mesure encore, les déesses figurent dans la question. Quatre lamelles au moins font apparaître les daimones dans ce type d’exploration oraculaire du destinataire d’un acte rituel à venir. L’une d’entre elles porte le triptyque theoi/daimones/hērōes [2], deux autres affichent l’alternative theoi/daimones [3] et la dernière évoque des daimones ou des hērōes [4].