Le premier ensemble documentaire contenant du copte est celui du monastère mélitien d’Hathôr, dans le nome Cynopolite ou Héracléopolite, connu par les archives d’Apa Paiêous (c. 330-340), et par celles de son successeur, direct ou non, Nepherôs (c. 360-370). Les premières contiennent 10 lettres, dont 6 en grec et 4 en copte ; les secondes 26 lettres, dont 24 en grec et 2 en copte (les documents juridiques ou administratifs sont eux tous en grec). La répartition entre les deux langues est encore très en faveur du grec. La question qui se pose est de savoir si l’on peut percevoir une raison qui expliquerait que tel épistolier ait recours à une langue plutôt qu’une autre – en dehors de ses limitations linguistiques. Ce n’est pas très clair. Tout juste a-t-on l’impression avec les archives d’Apa Paiêous que les lettres grecques traitent le plus souvent de sujets importants ou présentent des suppliques très teintées de rhétorique, alors que les coptes, inversement, ont tendance à tourner autour de sujets plus concrets et triviaux – malgré quelques exceptions. Si l’on semble donc deviner une forme de spécialisation des langues en fonction du contenu des lettres et par conséquent de leur finalité – spécialisation qui témoigne du poids écrasant du modèle grec dès qu’il s’agit de faire intervenir la rhétorique –, c’est surtout le bilinguisme des acteurs de ce dossier qui transparaît à travers les lettres qui le composent. Les coptophones connaissent bien le grec ainsi que la phraséologie que le christianisme a développée dans cette langue. C’est donc une communauté relativement à l’aise dans les deux langues que l’on y devine, où l’appartenance ethnique n’enferme pas l’individu dans les limites d’une seule langue.
Ces conclusions rendent compte aussi d’autres ensembles comme la quinzaine de lettres coptes extraites des reliures des codices gnostiques de Nag Hammadi, issues assurément d’un milieu monastique et tournant pour une part autour du moine Sansnôs, les lettres de Douch (11 textes identifiés datant de 350-400), l’unique lettre copte d’Aïn Waqfa (site villageois), tous retrouvés en même temps qu’une quantité supérieure de textes grecs. C’est aussi dans une oasis, celle de Dakhla, à Kellis, qu’a été retrouvé à ce jour le plus volumineux ensemble de textes coptes anciens (355 380) mêlés là encore à des textes grecs et pour une part émanant d’un milieu manichéen. Par sa taille (207 textes répertoriés, dont 199 lettres, contre 450 documents grecs), ce dossier, récemment découvert et en cours de publication, est d’un insigne intérêt pour l’histoire de l’émergence du copte en milieu non monastique et jette un jour nouveau sur le profil des premiers utilisateurs du copte dans le domaine de la vie courante.