Résumé
Selon le principe de tolérance tel que Carnap l'entendait, chacun est libre d'adopter le cadre logico-linguistique qu'il juge le plus utile aux fins qu'il se propose, sans avoir à justifier son choix par une quelconque argumentation philosophique. Le principe suppose une stricte distinction entre les connaissances ou la pensée théorique d'une part, dont le régime de justification présuppose l'adoption préalable d'un cadre logico-linguistique, et les décisions pratiques d'autre part, qui ne requièrent, quant à elles, aucune espèce de justification.
Plusieurs commentateurs ont récemment souligné les difficultés soulevées par la tolérance ainsi entendue. Carnap, en effet, en rejetant l'idée d'une science des valeurs susceptible d'autoriser une justification rationnelle des décisions pratiques, semble se priver de toute argumentation contre des choix dont l'irrationalité n'est pas purement instrumentale, et ne pouvoir reconnaître dans la variété des décisions effectivement prises qu'une différence subjective de style ou de tempérament.
La tolérance au sens carnapien du terme soulève en fait plusieurs questions que Jacques Bouveresse a récemment discutées : admet-elle l'arbitraire et l'irrationalité dans le domaine de la praxis ? Conduit-elle, par ailleurs, à une forme d'indifférence ou à la disparition, par élimination pure et simple, de certaines questions et controverses philosophiques ?