Résumé
En politique, la plus franche alternative à l'idée que la raison commune des citoyens peut découvrir les bonnes lois, c'est la thèse décisionniste selon laquelle « auctoritas, non veritas, facit legem » (Hobbes, Lev. lat., c. XXVI). Si la loi est uniquement affaire d'autorité, jamais de vérité, il est vain de discuter des lois et même dangereux pour l'autorité des lois qu'on puisse le faire.
On se propose d'examiner si le concept de décisionnisme peut être exporté de la politique à l'épistémologie, si quelque « auctoritas, non veritas, facit realitatem » peut représenter une position non seulement cohérente, mais effectivement adoptée. Car il est certain que si le décisionnisme a sa place en épistémologie, il représentera l'alternative la plus radicale au rationalisme, car basé, non sur l'impuissance, la faiblesse voire la lassitude de la raison, mais sur sa complète illégitimité, au moins dans les registres où le décisionnisme entend prévaloir. Et si le décisionnisme peut, en outre, présenter des titres de créance en sa faveur, tout projet de reconstruction de la raison devra être équipé pour intégrer les apparences qui militent en faveur de son contraire.
On se propose donc d'explorer, de manière mi-déductive, mi-inductive, la possibilité de construire un concept cohérent et non vide de décisionnisme épistémologique et d'en tirer des leçons s'agissant de ce qu'il est raisonnable d'espérer d'un rationalisme reconstruit.