Si le détour fictionnel est nécessaire pour envisager historiquement la tyrannie, c’est qu’en elle se noue un despotisme énonciatif et politique. Telle est l’hypothèse de base du cours de cette année : une équivalence, ou une homologie, entre art de gouverner et art de raconter, ce qui implique de nouer la fiction de la tyrannie à la tyrannie de la fiction. C’est par exemple ce que documente le roman hispano-américain du XXe siècle, et notamment ce sous-genre narratif qu’on appelle le « roman du dictateur », lorsqu’il prête sa voix à un tyran de papier, à la fois burlesque et inquiétant. Cette séance d’introduction vise d’abord à rappeler les principaux apports méthodologiques du cours de l’année précédente sur les fictions politiques, rappelant avec Jacques Rancière que « ce qui distingue la fiction de l’expérience ordinaire, ce n’est pas un défaut de réalité mais un surcroît de rationalité ». Ainsi la fiction politique apparaît-elle comme une loupe qui permet d’observer, après coup, les signes avant-coureurs d’un changement historique. Ces hypothèses sont mises à l’épreuve dans une étude de cas : la théâtralisation du projet politique de Louis XIII dans le ballet dansé de La Délivrance de Renaud (29 janvier 1617), avant-coup fictionnel de sa prise de pouvoir. Comme dans La Fête au bouc (2000) de Mario Vargas Llosa, le désordre burlesque est une inversion carnavalesque aux fins du pouvoir. Pour déjouer les pièges du récit, il convient donc, avec Louis Marin, de suivre les « narrateurs habiles et légers ».
11:00 à 12:00
Cours
Avant la représentation
Patrick Boucheron
11:00 à 12:00