Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Si le monument funéraire de Bernabò Visconti apparaît bien comme un tombeau sous forme de provocation, l’histoire qui y mène est celle d’une dispute des pouvoirs, à partir de la dissémination symbolique de signes manipulés par l’autorité pontificale. La mue seigneuriale de la vipère des Visconti pose donc la grave et ancienne question des rapports entre violence conservatrice et violence fondatrice de droit. Mais si on peut ramener la fièvre statuaire à ses origines gréco-romaines, celles-ci transmettent aussi aux pratiques médiévales de la dérision les épigrammes latins des vitupérateurs. La statue parle. On analyse ici le Lamento di Bernabò Visconti en rappelant l’importance du développement de la poésie encomiastique dans l’entourage des Visconti, mais aussi de la tradition des éloges funèbres. D’où le paradoxe : pourquoi Franco Sachetti, qui compose des féroces chansons politiques contre le seigneur de Milan, écrit-il de lui dans ses Trecentonovelle : « Bien qu’il fut cruel, il y avait dans ses cruautés une grande part de justice » ?

Sommaire

  • Autoreprésentation et Bildpolitik : le pape Boniface VIII et l’accusation d’idolâtrie (Agostino Paravicini-Bagliani)
  • Les légistes de Philippe le Bel, « cruels démolisseurs du Moyen Âge » (Michelet) : histoire d’une dissémination symbolique
  • Du pape Lucius III (m. 1185) à l’archevêque de Milan Ottone Visconti (m. 1295) : le monument funéraire comme expression de la dispute des pouvoirs
  • « Avant même que le siècle ne s’achève, le cheval de Bernabò Visconti se fraya un accès à l’intérieur de l’église » (Erwin Panofsky, La sculpture funéraire, 1992)
  • Nous t’avons vu, Bernabò Visconti : mue seigneuriale et « force de loi » (Jacques Derrida, 1994)
  • Violence conservatrice et violence fondatrice de droit : biffer le nom Bernabò de la généalogie des Visconti ?
  • Fontenelle, Dialogues des morts, 1683 : Erostrate et Démétrios de Phalère. Détruire, dit l’un ; bâtir, dit l’autre
  • « La terre ressemble à de grandes tablettes où chacun veut écrire son nom. Quand ces tablettes sont pleines, il faut bien effacer les noms qui y sont déjà écrits, pour y mettre de nouveaux. Que serait-ce, si tous les monuments des anciens subsistaient ? »
  • La fièvre statuaire de Démétrios de Phalère, le dérèglement du régime des honneurs et la ritualisation de l’outrage aux statues (Vincent Azoulay, « La gloire et l’outrage », Annales HSS, 2009)
  • Les Pasquinades, ou l’éloge oblige des dédicaces parodiques (Faire parler et faire taire les statues, Rome, 2017)
  • La tradition antique des épigrammes latins et les pratiques communales de la dérision : histoires de la vitupération et des vitupérateurs (Jean-Claude Maire Vigueur)
  • Du Jules César de Shakespeare à Hillary Clinton : gouverner en prose, dominer en vers
  • La statue parle : D’oro e d’argento coperto è il barone/Sur un cavallo bello e meraviglioso/E di fin oro si porta sperone/E par pur che sia vivo il valoroso (Matteo da Milano, Lamento funebre du Bernabò Visconti)
  • La valorosa Vipera gentile : développement de la poésie encomiastique autour des Visconti
  • Pourquoi des flatteurs ? Service de légitimation, autonomie et « mise en question critique » (Pierre Bourdieu, Méditations pascaliennes, 1997)
  • Baccio Bracci, Soldan di Banbilonia e ceterà : quand Bernabò, chasseur impénitent, se transforme en loup-garou (per trasmutarlo d’uomo in bestial forma)
  • De l’éloge de Milan à la gloire des Visconti : le Dittamondo de Fazio degli Uberti
  • Giovanni Visconti come vero pastore e vera luce et la vita salvatica de Bernabò Visconti
  • 1385, la capture du captivant seigneur
  • Antonio Medin et l’invention du Lamento di Bernabò Visconti
  • Complaintes, lyrisme et narration (Michael Fœssel, Le Temps de la consolation, 2015)
  • Les Lamenti après les Guerres d’Italie : prosopopée populaire et culture politique italienne (Florence Alazard, Le Lamento dans l’Italie de la Renaissance, 2010)
  • Toujours le Lamento di Bernabò Visconti : composition et codicologie (Marco Limongelli)
  • Force et justice dans la « triste aventure » de Bernabò : de maiore sangue è manifesto/fe granda iustitia, como se rexona
  • Un buongoverno de la seigneurie ? Le précédent de l’éloge funéraire de Giovanni Visconti par Gabriele Zamorei da Parma, felicis domini, magnusque potensque tyrampnus (Andrea Gamberini, « Orgogliosamente tiranni », dans Andrea Zorzi dir., Tiranni e tirannide nel Trecento italiano, 2013)
  • La requalification juridique de la notion de tyrannie d’après Bartolo da Sassoferrato (Diego Quaglioni)
  • Les Florentins doivent-ils fêter la mort de Bernabò Visconti ? Les dilemmes de Coluccio Salutati et les ambiguïtés de la florentina libertas
  • Les féroces chansons de Franco Sacchetti contre Bernabò Visconti : Più che Nembrot superbo, e più crudele/che non fu mai Galicola o Nerone
  • Nemrod, le pouvoir cynégétique et l’envers monstrueux du pouvoir pastoral (Grégoire Chamayou, Les chasses à l’homme, 2010)
  • « Bien qu’il fut cruel, il y avait dans ses cruautés une grande part de justice » : Franco Sacchetti et la novellisation de Bernabò Visconti

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