Résumé
Du grand livre de Marcel Detienne Les Maîtres de vérité dans la Grèce archaïque (1967), on a gardé l’image d’une sorte de « premier âge » de la « pensée grecque », au cours duquel aèdes, devins, « rois de justice » et autres « sages » (sophoi) auraient possédé et proclamé à leurs contemporains des vérités inspirées par les dieux. C'est dans un deuxième temps, et au prix d’une « laïcisation » du savoir, qu’aurait pu naître la philosophie au sens tout à la fois de recherche (et non plus possession) du vrai, et de critique de la doxa : mythes, traditions, autorités, en un mot, « conglomérat hérité », pour le dire avec Gilbert Murray.
Ce qu’on voudrait tenter de montrer ici, c'est que ce schéma évolutionniste est trompeur. Les « maîtres de vérité » n’ont pas disparu avec le passage à la philosophie. Qu’il suffise de penser à Épicure, symbole du rationalisme philosophique s’il en fut. Et, symétriquement, l’idée de recherche et l’idée d’examen sont présentes dès les débuts de la pensée grecque, en ce qu’elles sont en fait inhérentes à l’esprit même du polythéisme grec.