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Résumé
Le terme de Bouphonia désigne un sacrifice qu’accomplissaient les Athéniens lors des Dipolia ou Dipoleia, à savoir la fête de Zeus Polieus célébrée sur l’Acropole d’Athènes au début du mois de juillet. Sur le plan lexical, le nom du rituel associe un bovin (bous) et une mise à mort progressivement conçue comme un ‘meurtre’ (phonos). Le verbe bouphonein est attesté une fois dans l’Iliade (VII, 466) sans qu’une telle connotation morale ne soit perceptible, pas plus qu’elle ne l’est dans les quelques emplois de l’adjectif bouphonos dans la poésie archaïque et classique. Un mois Bouphoniōn apparaît dans le calendrier de certaines îles ioniennes, ce qui implique la célébration de Bouphonies en ces lieux à des périodes anciennes, mais indéterminées. Par ailleurs, le mois Boukatios et la fête des Boukatia sont documentés en Grèce centrale et renvoient également au fait de tuer (kainein) un bovin. Il est intéressant de constater que le bovin est le seul animal sacrificiel dont le nom entre en composition avec le lexique de la mise à mort, alors que d’autres espèces sont bien plus souvent impliquées dans ce type d’abattage rituel. Il faut dire que le sacrifice d’un bovin est prestigieux, coûteux, voire spectaculaire. Mais ce n’est pas la seule raison de cette mise en évidence lexicale.
Pour approfondir ce point, on se penche sur le sacrifice athénien pour Zeus Polieus. Il présentait en effet des traits remarquables qui en ont fait un objet de curiosité et d’interprétation dès l’Antiquité. Le dossier complexe qui en résulte mêle des évocations du rituel lui-même, avec un procès condamnant l’outil de la mise à mort, et une étiologie qui traduit les liens étroits entre labour et sacrifice. Car le bœuf, au-delà de son coût, n’est pas un animal sacrificiel comme les autres : il est l’auxiliaire potentiel de l’homme dans ses travaux des champs ou de transport de charges. C’est la construction rituelle de cette contradiction dont témoigne l’étiologie des Bouphonies, au sein des Dipolies qui rappellent aussi les principes constitutifs de la vie civilisée : les communautés humaines travaillent la terre pour se nourrir, honorent les dieux, font société au sein de l’entité que les Grecs appellent polis et dont, à Athènes en tout cas, Zeus Polieus assure la souveraineté aux côtés de sa fille divine sur l’Acropole.