Pendant un millénaire au moins, le monde grec a ensanglanté des autels pour rendre hommage à ses dieux. Selon les termes de Jean-Louis Durand, la Grèce est une « culture sacrifiante ». Elle relève de cette forme particulière de culture où les êtres humains créent le contact avec les puissances suprahumaines autour d’un animal mis à mort. Les occasions de cette mise en relation sont aussi nombreuses que variées, et tous les genres documentaires disponibles en font état, que ce soient les textes issus de la tradition manuscrite, les textes épigraphiques, l’iconographie sous toutes ses formes ou les données que met au jour l’archéologie. Seule échappe, forcément, l’observation participative qu’autorise l’immersion dans une culture vivante. De ce point de vue, la précision des travaux anthropologiques de terrain permet de mesurer tout ce que l’historien(ne) de la Grèce antique a définitivement perdu. Dans la conscience de ce manque, il est toutefois possible de saisir les processus rituels à l’œuvre dans l’opération sacrificielle en convoquant tous les types de données disponibles. Faire réagir ces éléments les uns par rapport aux autres (à savoir ce qu’évoquent les textes poétiques, les normes rituelles, les images peintes sur des vases, les assemblages d’ossements dans des sanctuaires) est la forme d’expérimentation qui reste accessible à qui souhaite comprendre une culture sacrifiante du passé. Loin de toute théorie générale, cette série de cours se penche tout particulièrement sur « la part des dieux », au sens le plus concret des portions prélevées sur la carcasse de l’animal et réservées aux destinataires de l’opération, afin de mettre à l’épreuve l’analyse du dispositif sacrificiel comme langage spécifique entre hommes et dieux.
Le cours magistral sera prolongé par une série de séminaires intitulée Sacrifices en comparaison. Comme ce titre l’indique, il s’agira d’ouvrir la réflexion à d’autres cultures sacrifiantes pour questionner l’analyse du matériau grec.