Du (bon) désir de justice. Un droit aux sentiments ?

C’est face aux cas limites que le droit est mis à l’épreuve. Cela arrive aujourd’hui avec les « hard cases », cela arrivait à Rome avec les déclamations, qui constituaient autant d'exercices scolaires pour les futurs orateurs. Les déclamations portaient sur des intrigues complexes et apparemment absurdes, à partir desquelles les élèves et le maître mettaient à nu la difficulté du droit à concilier tous les intérêts en jeu. C’est le cas de la controverse 1.1. de Sénèque le Père, qui concerne un jeune homme chassé par ses parents à deux reprises : sa seule faute, s’être comporté généreusement, mais en s'opposant aux commandements de son père, puis de son oncle devenu son père adoptif, tous deux divisés par une haine profonde. En discutant de ce cas, les orateurs mettaient en lumière un continent intérieur, celui des sentiments dont, disaient-ils, « chacun est maître » (et personne n’est soumis aux ordres des autres, pas même ceux de son pater familias). Les déclarations scolaires et les textes des juristes montrent que cet espace d’autonomie – l'espace individuel des sentiments et de la nature – au lieu d’entrer en conflit avec le droit contribue à le rendre plus adapté à la vie en société : c’est l’équité qui assure cette adéquation. L'équité se révèle donc intimement liée à une anthropologie sociale.