Résumé
Comment interpréter les multiples allusions et emprunts aux cultures de l’Extrême-Orient et du Japon en particulier dans la peinture française des années 1950 et 1960 ? Après un état des lieux de la scène parisienne, nous nous concentrerons sur l’œuvre de Jean Degottex (1918-1988), artiste chez qui la référence japonaise est manifeste à partir de 1957, comme on le voit dans une série d’œuvres aux titres sans ambiguïté : Hagakure, Furyu, Aware, Sabi, Shodo, etc.
Ces titres interagissent avec une peinture gestuelle qui, dans son exploration de la tache et du « métasigne », fait en apparence écho au travail à l’encre des artistes et calligraphes asiatiques. Toutefois, contrairement à la plupart des études entreprises jusqu’à présent, nous ne chercherons pas à analyser ces liens. Notre hypothèse est qu’il y a dans l’œuvre de Degottex et, plus généralement, dans tout un pan de la peinture de l’époque, la transmutation positive d’une double crise locale : celle de la technique, transformée par la guerre en machine de mort ; celle de la puissance artistique, dans un pays qui voit son statut lui échapper au profit des États-Unis.
Nous terminerons notre exposé en nous demandant si cette double défaite n’est pas l’un des ressorts fondamentaux du japonisme, puisqu’on trouve une configuration historique comparable dans les années 1870 au moment de l’explosion du phénomène.