Résumé
C’est au festival international de théâtre de Venise en 1954, puis à Paris en 1957, au Théâtre des Nations, qu’ont lieu les premières représentations en Europe d’un théâtre nō jusque-là seulement connu par quelques traductions de livrets, à la fin du XIXe siècle. L’ouverture du Japon aux pays étrangers coïncide alors avec les premières études en langue occidentale sur le nō, l’influence de cet art théâtral s’exerçant alors surtout sur les écrivains. À partir des années 1920, ce n’est plus avant tout la qualité littéraire et le contenu dramatique du nō qui trouvent un accueil favorable dans le climat intellectuel de l’époque, mais sa dimension performative. Rejetant les conventions du naturalisme, l’avant-garde théâtrale des années d’après-guerre trouve dans le nō un modèle de référence, fût-il celui d’un horizon chimérique, dans au moins trois domaines : la recherche d’un « art total » alliant poésie, musique et danse, de pair avec une affirmation du corps de l’acteur et à l’opposé d’un « théâtre de texte » ; un refus du réalisme et de la psychologie au profit d’un contenu symbolique, favorisé par la nudité d’un plateau exempt de décor et par l’emploi de masques abolissant les expressions de visage de l’acteur ; la possibilité, enfin, d’un nouveau type d’interactions entre la scène et la salle, favorisé par l’absence de rideau et par un dispositif scénique distinct de la scène à l’italienne séparant frontalement la fiction de la réalité.