Colloque coordonné par Alexandre Declos.
Le temps a toujours passionné les philosophes. La conscience intime, la perception, l’expérience que l’on en a, aussi, tout comme la description phénoménologique que l’on peut en donner. Le XXe s. a été marqué par un regain d’intérêt pour les aspects plus directement métaphysiques du temps. Les philosophes se sont de plus en plus concentrés sur la nature ultime du temps, sur sa réalité et sur ses propriétés objectives. Comment être aussi sûr de la réalité du temps ? Pourquoi penser que l’ordre temporel soit plus qu’une apparence ? Y a-t-il, comme le pensent certains (les « théoriciens-A »), un véritable mouvement des choses et des événements à travers la dimension temporelle, auquel cas le temps consisterait en une série dont les membres seraient dotés de « propriétés-A », dynamiques et transitoires, celles d'être successivement futur, présent, puis passé ? Ou bien, comme le pensent d’autres (les « théoriciens-B »), le temps ne se ramène-t-il pas, ultimement, à une série où choses et événements entretiennent de simples relations d’antériorité, de simultanéité et de postériorité, auquel cas le temps serait réductible à un système de relations fixes et immuables (« relations-B ») ? Faut-il se résoudre à dire qu’il n’y a pas de propriétés-A et, plus généralement, que le temps ne passe pas ?
Un autre sujet de controverse a trait au statut ontologique du passé, du présent, du futur, et, plus particulièrement, de leurs occupants respectifs. Ainsi, pour un « présentiste », le passé n’est plus et le futur n’est pas encore : seuls existent réellement les occupants du moment présent, qui ne cesse de changer. A l’inverse, pour un « éternaliste », passé, présent et futur existent tous au même titre. De même que Moscou existe réellement sans se trouver ici, à Paris, la bataille de Waterloo et l’extinction du Soleil existent tout autant, même si ces événements n’ont pas lieu maintenant, en 2019. Pour l’éternaliste, l’univers forme un « bloc » où toutes les dimensions temporelles sont ontologiquement à égalité, sans quelque privilège que ce soit du présent. Une troisième option envisage un « univers en croissance », où seuls existeraient vraiment passé et présent. Tout nouvel instant s’ajouterait à l’inventaire total de l’être, qui ne cesserait de croître. Autant d’invitations, pour le métaphysicien, à préciser le statut ontologique des entités qui ne sont pas présentes.
Un autre vif sujet de discussion porte sur la persistance des objets dans le temps : comment des choses numériquement identiques peuvent-elles exister à différents moments ? Pour les partisans de l’« endurantisme », qui se prévalent du sens commun, les objets matériels persistent en étant « pleinement présents » à chaque instant de leur existence. La réalité est composée d’entités tridimensionnelles, entièrement contenues dans l’espace qu’elles occupent à chaque moment du temps. Pour les « perdurantistes », au contraire, les objets matériels sont étendus dans l’espace et dans le temps. Outre leurs parties spatiales, ils ont aussi des « parties temporelles » en vertu desquelles ils persistent : nous ne verrions donc jamais d’objets « entiers », mais plutôt des parties ou « tranches » temporelles d’objets ou de « vers quadridimensionnels » plus étendus. En dépit des bénéfices théoriques du perdurantisme, peut-on pourtant s’accommoder d’une telle révision du sens commun et admettre aussi aisément l’existence de parties temporelles ?
Outre ces questions, parmi les plus vives aujourd’hui, le colloque sera aussi l’occasion de reprendre les thèmes les plus classiques de la métaphysique du temps. Parmi eux : Quelle est la nature ultime du temps ? Consiste-t-il seulement en l’instant présent, ou bien passé et futur existent-ils aussi ? Peut-on changer le passé ? Peut-il y avoir un monde sans temps ? Quelle est la relation entre temps et changement ? Le temps s’écoule-t-il même si rien ne change ? Peut-on même dire que le temps « passe » ? Comment les objets persistent-ils en lui ? Faut-il irrémédiablement opposer l’image ordinaire et l’image scientifique ? Comment comprendre la relation du temps avec l’espace, l’analogie que l’on fait parfois, notamment en science, entre espace et temps ? Doit-on se résoudre à l’idée que le futur est « ouvert » et le passé « clos » ? Y- a-t-il une direction du temps ? Les voyages dans le temps sont-ils possibles ?