Résumé
La tradition philosophique oppose souvent le temps de la conscience ou du sujet, et le temps de la nature ou du monde, dessinant ainsi un partage entre les grandes philosophes du temps - Kant, Augustin ou Husserl vs. Aristote, Newton, Bergson. Là où certains, comme exemplairement Ricoeur dans Temps et récit, tentent de dépasser cette opposition, la présente communication concernera le temps de la nature, et mettra alors en cause la présupposition, usuelle dans cette discussion, qu’il s’agit là d’un seul temps. A rebours d’une certaine métaphysique du temps qui prend pour paradigme le temps de la physique et lui suppose une exclusivité, j’étudierai diverses pratiques scientifiques de représentation, modélisation et mesure du temps et dans le temps. Le pari fait ici, à la suite des auteurs de Temps de la nature et nature du temps (Paris: CNRS, 2018), est que cette approche épistémologique soucieuse de la diversité des « temps » dans des sciences qui vont de la physique des particules à la biologie du développement en passant par la biologie évolutive, est pertinente pour l’interrogation métaphysique sur le temps.
Plus particulièrement, je développerai deux problématiques émergentes transversales aux pratiques épistémiques considérées : l’irréversibilité du temps, la diversité des échelles du temps. Ce dernier point m’amènera à souligner la façon dont, dans diverses disciplines, la possibilité même de modéliser les phénomènes enveloppe des présuppositions concernant couplages ou découplages entre échelles de temps.