Résumé
Pierre Boulez nous rappelle que l'une des sources de la forme d'Anthèmes 1 est le plain-chant Lamentations de Jérémie, qu'il a chanté dans sa jeunesse lors de l'office du Premier Nocturne du Jeudi Saint. La caractéristique la plus frappante de cette pièce est la mise en musique des lettres hébraïques séparant les différents versets du texte. Boulez traduit cette idée en utilisant les harmoniques du violon solo pour séparer les sections d'Anthèmes en appelant les harmoniques des « lettres ». Il insiste sur le fait qu'il n'utilise, dans sa musique, que la structure des Lamentations et non leur contenu. En réalité, la musique elle-même suggère souvent le contraire, comme le montreront des exemples. Il est peu probable qu'un lecteur aussi sensible que Boulez puisse faire référence à une œuvre d’un contenu tellement expressif uniquement pour des raisons de forme.
Au cours de la discussion d'Anthèmes 2 avec Peter Szendy à l'occasion de sa première exécution française en octobre 1997, Boulez explique pourquoi il renonce à sa conviction selon laquelle la musique devait être athématique. Jonathan Goldman a admirablement décrit et illustré ce qui constitue un « thème » dans les morceaux Anthèmes. Il est important de noter à quel point l'utilisation de thèmes influence la tâche de composition en y ajoutant une dimension expressive. En même temps, le choix de techniques numériques pour réaliser l'accompagnement électronique dans Anthèmes 2 définit et limite fortement son potentiel expressif. Une discussion critique de la partition informatique d'Anthèmes 2 servira de toile de fond à une évaluation plus générale du morceau.