Résumé
Pierre Boulez n’a pas été seulement le compositeur de trente-trois œuvres (et de leurs révisions) mais le signataire de livres de différents types : exposé de techniques compositionnelles, entrevues, correspondance et trois volumes réunissant cent cinquante articles et écrits de genres divers (essais de fond, interventions d’humeur, textes rédigés en vue de conférences ou de cours) qui font l’objet de la présente communication. Il s’agit ici, pour leur éditeur (chez Christian Bourgois), de déterminer quels sont le statut et les fonctions, chez Boulez, de l’écriture littéraire par rapport à l’écriture musicale et de tenter d’en cerner quelques spécificités stylistiques.
Pour ce faire, il rappelle d’abord comment Boulez concevait lui-même la différence entre ses activités critiques et ses activités créatrices, même s’il ne les séparait pas. Après un survol de la place de ses écrits par rapport à ses activités de compositeur et de ses entreprises institutionnelles, il s’attarde d’abord à la période de ses écrits polémiques dont il donne des exemples, souvent violents. Puis, il souligne l’usage de métaphores inattendues et en propose une caractérisation. Il souligne ensuite l’introduction d’autocritiques dans son discours et le rôle que joue sa pratique de la direction d’orchestre. Fidèle aux concepts qui me sont familiers, je distingue alors le point de vue « poético-centrique » et le point de vue « esthésico-centrique » et se dirige vers la caractérisation du style de sa pensée, dominé par sa structuration binaire et la quête de la totalité dont il témoigne. Après avoir évoqué les articles eux-mêmes et les textes écrits en vue de conférences et de cours, il s’attarde tout particulièrement au recours stylistiques à des groupements ternaires, dans la foulée d’une observation féconde de Proust. Finalement, la communication examine le soin qu’il met à ne pas citer, dans ses textes, des exemples musicaux concrets et distingue son discours littéraire de ce que serait celui d’un musicologue.