Résumé
Il est possible de dresser un parallèle entre histoire et littérature au XVIIIe siècle à travers le paradigme de l’enfant trouvé. À cette époque, un tiers des enfants sont abandonnés, principalement pour des raisons de misère, d’illégitimité ou de mère morte en couches. Les dépôts d’archives sont remplis de billets expliquant les raisons de l’abandon et constituent souvent les seules traces des paroles de gens majoritairement analphabètes. Ces billets pouvaient être accompagnés d’un trousseau ou d’un objet de reconnaissance (ruban, brevet, carte à jouer avec une inscription au dos…), véritable symbolon pour pouvoir retrouver l’enfant plus tard.
Du Tom Jones de Fielding au Félix de Sedaine, en passant par les enfants de Rousseau ou encore le célèbre Figaro, l’enfant trouvé est une figure centrale de la littérature du XVIIIe siècle. Il interroge les valeurs d’inné et d’acquis, qui préoccupèrent les Lumières, et polarise les notions de destinée et d’identité, qui caractérisent l’individu moderne. Tantôt métaphore du livre abandonné au public, tantôt être privé d’une parole (infans) que la littérature se charge de lui donner, il incarne ainsi l’essence du romanesque.