Résumé
Jusqu’au XXe siècle, il y avait comme une impossibilité de penser le rapport art/argent, le lettré étant par excellence celui qui refuse d’aliéner sa plume. Les arts et lettres ont longtemps constitué un monde à part, opposé à l’économie, alors même qu’il existe des « fictions économiques », c’est-à-dire des modèles de prédiction présentant une homologie avec les fictions littéraires. Parmi les « fictions économiques », la métaphore de l’abeille et de la ruche traverse les siècles en se recontextualisant, tantôt pour signifier l’intérêt égoïste au fondement de l’épanouissement collectif, tantôt pour modéliser le capitalisme cognitif. C’est précisément parce que les premières ont des effets réels que l’économie est dans un rapport d’adversité avec la littérature.
Le théâtre est le genre le plus à même de subvertir les mécanismes économiques. Ainsi, aux XVIIe-XVIIIe siècles, les personnages de la veuve et du cadet permettent d’explorer les marges de la société et de déployer du « jeu ». De plus, on oublie trop souvent que le théâtre classique compte une quatrième unité, celle de l’intérêt (qu’il faut susciter chez le spectateur), qui implique une réflexion sur l’économie de l’attention. Ce souci de l’attention a anticipé les formes les plus modernes de l’économie, par ailleurs si friande de métaphores littéraires dont elle se sert de façon performative.