Résumé
L’Europe n’a cessé de traduire et de se traduire. Son existence culturelle est dépendante de cette double dynamique contradictoire : accueil et appropriation d’une part, pluralité et unité, d’autre part. Si toute traduction déplace et créolise la langue d’arrivée, il faut tenir compte de la façon dont ce contact des langues anime les idiomes européens : ces frictions et créolisations sont-elles représentées de façon juste par le concept de traduction ? L’aventure polyglotte n’implique-t-elle pas parfois de refuser la traduction ? À partir de textes littéraires qui s’écrivent en plusieurs langues ou inscrivent l’hybridité linguistique dans leur poétique, je me propose d’examiner les diverses manières dont la traduction informe la littérature et celles par lesquelles, en retour, la littérature propose des formes de résistance à la traduction. Car la traduction n’est pas une langue et pas non plus toujours le lien entre les langues, et l’un des enjeux du contemporain est de s’opposer au grand transcodage qui conduit à penser que tout peut se traduire en tout. La créolisation est la chance des langues de l’Europe, précisément parce qu’elle porte le mouvement de la traduction sans procéder à l’assimilation.