Résumé
Mon intervention voudrait tirer profit d’un double ancrage institutionnel. En tant que dramaturge et conseiller du Festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence, je me situe à un endroit intéressant pour observer le rapport évolutif qu’une institution musicale représentative, née de la catastrophe de la Seconde Guerre mondiale, peut avoir avec l’Europe comme idée, valeur et institution. En tant qu’universitaire spécialiste des conceptions et représentations de la musique, je peux tenter de mettre en perspective ces observations en retraçant la manière dont, depuis l’entre-deux-guerres, l’imaginaire musical européen a été construit, promu et parfois critiqué, parallèlement au développement de l’Europe comme institution. Pour ce faire, j’évoquerai brièvement et successivement quelques moments, figures et genres musicographiques exemplaires, parmi lesquels : les thèses et fictions retraçant la naissance de l’opéra ; certaines grandes scènes romanesques et théâtrales donnant à entendre un concert des nations ; des enquêtes polémiques liées à l’apparition du jazz, chance ou menace pour l’Europe ; le genre grandissant de la biographie de musicien dessinant la figure du génie européen type ; l’ambivalence du mythe beethovénien – jusque dans le choix de l’hymne européen ; ou certains essais polémiques récents sur le devenir de la musique savante européenne, dans un contexte de triomphe planétaire des musiques populaires associées aux cultures anglo-saxonnes et de la revendication croissante d’une meilleure prise en considération – y compris dans l’espace européen – de toutes les traditions musicales du monde. Revenant à mon ancrage institutionnel premier, j’évoquerai alors la manière dont une institution musicale tente de se faire le cadre d’une réflexion en acte sur ce que pourrait être un certain idéal musical européen aujourd’hui.
