Résumé
Le déniaisement dont on parlait à la séance précédente prend inévitablement, pour l’Italie de la fin du XVe siècle, l’allure du désenchantement machiavélien. On fait ici l’hypothèque que Machiavel, écrivant avec Le Prince son étrange défaite, y dresse le constat de la faillite du monde albertien. Ce dernier prétendait rendre raison de la méchanceté du monde par l’agencement ordonné de la storia, dont la beauté est propre à désarmer les jaloux et les violents. L’ironie mordante de Machiavel met à mal une expérience historique que l’on pourrait dire « renaissante » en tant qu’elle prétend configurer un rapport au temps par une culture visuelle. Voici pourquoi toute défense et illustration de la Renaissance non comme concept mais comme chrononyme ou comme « nom d’époque » est un contre-sens. Si l’on peut dire, avec Hans Blumenberg, que « les temps modernes existent au moment où ils se déclarent tels », il convient de s’interroger sur le mode d’existence de cette conscience de soi. Car si l’humanisme situe parfois cette Renaissance ici et maintenant, elle est le plus souvent projeté à l’horizon. Autrement dit, on nomme Renaissance non pas l’époque où les lettres romaines reviennent, mais le temps à venir où elles reviendront.