Résumé
Si la précédente séance s’était placée sous le signe de la microstoria – à travers notamment une enquête de généalogie textuelle sur le système d’exergues du Fromage et les vers de Carlo Ginzburg – la suivante la poursuit en se consacrant toute entière à l’analyse intensive d’un seul épisode : le naufrage de la nef vénitienne de Pietro Querini en 1435, dont le dossier documentaire a été édité et traduit par Claire Judde de Larivière (Naufragés, Toulouse, Anacharsis, 2005). Après avoir débrouillé son intrigue narrative et exposé les enjeux propres à sa conservation documentaire, on s’attache à montrer que le naufrage met à l’épreuve la communauté politique des marins, qui réagissent « à la vénitienne », discourant, délibérant, votant et tirant au sort pour décider qui pourra être sauvés, certains devant rejoindre la chaloupe, les autres l’esquif. Cette fable de l’inégalité met également en jeu la question de l’altérité, puisque les naufragés sont confrontés dans le grand Nord de l’hiver boréal à une société d’abondance qu’ils identifient comme honnête et pure. Leur retour à Venise permet de poser une fois encore la question de l’accentuation italienne : pourquoi l’Italie médiévale est-elle si riche d’expériences politiques et de récits ?