L’idée de relation infogénérative composite (et de dossier mental « inclusif ») permet d’arbitrer un autre conflit. Comme il a été indiqué dans le cours 5, le modèle strawsonien paraît incompatible avec la perspective frégéenne selon laquelle il est normal qu’un même objet puisse être représenté sous plusieurs modes de présentation différents, ces modes de présentation correspondant à différentes facettes de l’objet. C’est pourquoi les théoriciens qui font jouer aux dossiers mentaux le rôle de modes de présentation ont substitué à la norme strawsonienne, selon laquelle deux dossiers coréférentiels doivent fusionner, une moindre exigence : le sujet qui se rend compte que « deux » objets sont le même doit lier les dossiers mentaux à travers lesquels il se représente les « deux » objets en question, c’est-à-dire qu’il doit les marquer comme coréférentiels. Cela n’implique pas qu’il faille les faire disparaître en les fusionnant ; au contraire, le processus d’identification semble impliquer que le sujet se représente cet objet simultanément sous deux modes de présentation distincts.
En défense de la norme strawsonienne, on montre que le processus de reconnaissance ou d’identification est en fait la transition d’un état où deux dossiers sont en jeu à un état comportant un dossier unique (reposant sur une relation infogénérative composite). Cette transition n’est autre que le processus de fusion de dossiers auquel doit aboutir, selon Strawson, la reconnaissance du fait que « deux » objets sont le même. L’objection selon laquelle l’identification implique le déploiement simultané de deux dossiers distincts mais liés entre eux repose sur une conception fausse de ce que c’est que reconnaître quelque chose, une conception qui néglige la dynamique du processus de reconnaissance, caractérisé par deux étapes : l’étape initiale où deux dossiers distincts sont déployés, et l’étape finale (post-reconnaissance) où il n’y en a plus qu’un.