Résumé
Dans l’Antiquité classique, les représentations d’enfants lisant sont rares, l’enfant n’étant pas considéré comme une personne à part entière. La lecture enfantine n’a en effet pas toujours existé telle que nous la connaissons aujourd’hui. L’histoire des lectures d’enfance est liée étroitement à quatre paramètres : 1. le statut de l’enfant, 2. les dispositifs éducatifs, 3. la fonction de la littérature, 4. l’histoire de l’édition. Il existe un cinquième paramètre moins déterminant : l’existence d’une littérature spécifiquement dédiée à la jeunesse. Au XVIe et au XVIIe siècle, on regarde en général avec dédain les lectures de l’enfance, et en particulier les contes, toujours liés au monde féminin. En particulier, Peau d’Âne sert d’emblème à la littérature facile et puérile. C’est pourquoi, lorsqu’en 1694 Charles Perrault met en vers ce conte, il entame une quasi-révolution dans la littérature en conférant une dignité académique à un récit oral et populaire, et une légitimité au plaisir gratuit de la littérature. L’intégration du conte de fées dans le régime littéraire officiel permet l’arrivée de nouvelles autrices, car, informés par une expérience spécifiquement féminine (l’inceste, par exemple, dans Peau d’Âne), les contes sont le véhicule d’un savoir féminin sur le monde. La question de la validité de la parole féminine n’est pas étrangère à l’évolution du statut littéraire des contes de fées.