Résumé
Est-il encore possible de lire ? En France, en Europe et hors d’Europe, les enquêtes les plus récentes révèlent un déclin du nombre de lecteurs et du temps de lecture dans la population générale, et en particulier dans la jeunesse, au profit des écrans, qui accaparent la plus grande partie du temps disponible. Ces mêmes enquêtes montrent également qu’on lit davantage si on a lu dans l’enfance et si l’on a grandi dans une famille où la lecture et les livres occupaient une place importante. On lit parce qu’on se souvient d’avoir lu. La lecture des enfants et des adolescents est donc un enjeu majeur des politiques du livre.
À l’âge adulte comme dans l’enfance, le bonheur de la lecture correspond à un moment de suspension dans une réalité invisible. Un sixième sens se crée, qui augmente les perceptions sans abolir, à la différence des écrans, les autres sens qui vous raccrochent au monde réel. Cette expérience-là est sans équivalent, et il faut l’avoir connue pour revenir sans cesse à la lecture : expérience similaire à certaines folies, celle-là même de don Quichotte. L’expérience de la lecture est celle d’une réalité enrichie ou augmentée, à l’instar de la musique, d’où la compétition historique entre les deux arts, notamment à l’époque du Symbolisme. Montaigne le rappelle avec force : si l’enfant connaît le bonheur de la lecture, il sera immunisé contre « la haine des livres », si répandue après les années d’école.