L’Église elle aussi hellénophone : la liturgie
En plus d’être la langue de l’État, le grec fut aussi celle de l’Église d’Égypte depuis ses origines et jusque bien après la conquête arabo-musulmane. Quel a pu être l’impact de ce monolinguisme affiché de l’Église sur la langue pratiquée par les fidèles dans le cadre plus ordinaire de la liturgie ?
Datée de la fin du IIIe au IXe siècle, cette documentation comprend en particulier trois types de textes (prières, hymnes et acclamations), qui confirment le monopole du grec dans le cadre de la liturgie, même si l’on constate des avancées du copte, selon la nature des textes. Les prières sont les premières à avoir fait place au copte, à partir du VIe/VIIe siècle, ce qui coïncide avec la période de floraison littéraire de cette langue. L’examen d’un dossier de prières issu du monastère d’Apollô d’al-Balā’iza près d’Assiout (VIe/VIIe s.) montre que les célébrations liturgiques s’y déroulaient dans les deux langues, utilisées concomitamment, – un bilinguisme qui tranche sur le quasi-monolinguisme (copte) du reste de la documentation de ce monastère –, et nous amène à nous interroger sur le critère de répartition des langues. Quant aux hymnes (parties chantées) et plus encore aux acclamations (dialogues codifiés entre les diverses parties prenantes de la liturgie), elles résistèrent à la pénétration du copte au moins jusqu’aux VIIIe-IXe siècles. Cela s’explique très probablement par le fait qu’il s’agit des parties les plus formelles de la liturgie, pour lesquelles on s’est senti obligé de recourir au « High Language », à la langue de prestige, malgré les évolutions linguistiques naturelles de la société.