L’apparition des premiers documents juridiques en copte
Né dans des milieux hellénophones, le copte a « échappé » à ses premiers utilisateurs et s’est répandu dans d’autres milieux ; sa sociologie s’est modifiée en même temps que le cadre culturel et institutionnel a commencé à se transformer. On observe en particulier un usage plus visible du copte dans la société un siècle environ avant la conquête arabo-musulmane de 641/642. Cherchant à comprendre pourquoi ces textes sont apparus à ce moment-là, après trois siècles de mutisme, nous avons porté notre attention sur le corpus des actes juridiques coptes antérieurs à la conquête. Celui-ci se compose d’une quinzaine de transactions juridiques et d’actes para-judiciaires, rédigés par des scribes digraphes. Les transactions sont le plus souvent provisoires et de médiocre importance. Ces documents proviennent tous de Thébaïde, une région qui a gardé un plus fort ancrage dans la tradition égyptienne et moins profondément assujettie à l’influence d’Alexandrie en matière institutionnelle, religieuse et culturelle. De plus, ils remontent surtout aux années 600-610 et à la domination sassanide (619-629), deux décennies correspondant à deux époques troublées de l’histoire de l’Égypte : la première, inaugurée par le renversement et l’assassinat de Maurice par Phocas (602), fut une période de turbulences. Quant à la seconde période, elle est marquée par l’occupation sassanide (619-629) qui a soustrait l’Égypte à l’autorité byzantine. L’instabilité politique, en affaiblissant l’appareil étatique, et surtout, durant la période sassanide, la rupture avec l’État byzantin hellénophone, en relâchant la contrainte que faisait peser le prestige du grec, ont dû concourir à agrandir la brèche entrouverte au siècle précédent en incitant la population qui le souhaitait à avoir un usage plus intensif du copte.
Les explications géographique et chronologique ont ceci en commun qu’elles orientent vers une explication qui mettrait le développement des documents juridiques coptes sur le compte d’un recul, d’un affaiblissement ou d’un défaut de l’État et donc d’un allègement de la pression qu’il pouvait faire peser en termes de contraintes linguistiques.