Amphithéâtre Guillaume Budé, Site Marcelin Berthelot
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Le poids inhibant du grec et le long processus d’autonomisation : le parallèle de la littérature

Le handicap du multidialectalisme a été amplifié par la position surplombante du grec, langue de l’administration depuis le IVsiècle avant J.-C. et surtout langue qui avait su s’adapter au droit romain depuis la conquête romaine et plus encore depuis la Constitution Antoninienne (212). Cette suprématie du grec n’a pas été sans inhiber le développement du copte, qui, de formation récente, n’avait pas encore pu mener à bien le long travail d’adaptation et d’autonomisation nécessaire pour devenir une langue capable de remplir des fonctions juridico-administratives.

Ce processus, nécessairement long, n’est pas propre à l’écrit juridico-administratif : on en trouve aussi la trace dans le domaine de la littérature. L’écart de trois siècles qui sépare les premiers essais d’utilisation du copte documentaire des premiers documents juridiques coptes coïncide d’ailleurs assez précisément avec l’intervalle qu’on observe, dans le domaine de la littérature (dont nous n’avons toutefois qu’une connaissance encore très embryonnaire), entre les premiers témoins du copte littéraire et le développement à grande échelle d’une littérature copte originale – à l’exception notable mais singulière de Shénouté, supérieur du Couvent Blanc, mort en 465.

Les plus anciens papyrus littéraires coptes ne contiennent que des traductions de textes bibliques et d’œuvres patristiques et homilétiques grecques. C’est dans les milieux monastiques qu’il faut aller chercher les premières traces d’utilisation du copte à des fins de composition, et non plus de traduction ou de reproduction, mais les exemples antérieurs à Shénouté sont rares et, très souvent, problématiques et douteux. Il semble ainsi qu’au IVsiècle, la culture de langue copte ne se soit pas exprimée sous une forme écrite visant à transcender l’écrit quotidien. Le copte ne devient une langue littéraire complètement indépendante du grec qu’avec Shénouté, mais il faudra attendre l’épiscopat de Damien (578-605) pour assister au véritable épanouissement d’une production littéraire de langue copte qui ne soit pas le fait d’une personnalité d’exception mais participe d’un mouvement général. On a d’ailleurs fait remarquer que la quantité des œuvres allait de pair avec leur qualité. Tito Orlandi, soulignant le saut qualitatif que ce mouvement représente dans l’histoire de la langue copte, n’hésitait pas à parler de « progrès naturel dans la langue et [de] son indépendance croissante par rapport au grec ». Il en est allé de même avec l’écrit documentaire : il a fallu du temps pour que les Égyptiens pensent leur langue non comme un simple médium de communication privée mais comme une « institution » cristallisant un certain nombre de valeurs partagées collectivement et capable d’avoir dans tous les domaines autant d’autorité et de prestige que le grec.