Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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La photographie représente, aux yeux de Baudelaire, le modèle de la sensibilité moderne, et donc de la décadence. Mais, comme avec la presse, la réticence du poète à l’égard de la photographie s’accompagne d’une dépendance.

La comparaison du poème en prose et du daguerréotype va rapidement s’imposer comme un cliché, chez Mallarmé ou chez Rimbaud. Le rapprochement avec le daguerréotype vise avant tout à dénoncer une image fidèle, ou trop fidèle, de la réalité. Baudelaire accepte plus aisément le diorama ou le panorama, car il les trouve moins mimétiques du réel ; la photographie est trompeuse. L’Irréparable et Rêve d’un curieux comportent des allusions à la photographie ; le second est d’ailleurs dédié à Nadar et met en scène le spectacle de l’impossible mort. L’époque de Baudelaire est un moment de transition, entre la mode romantique des spectacles optiques et l’avènement de la photographie. 1839-1859 : c’est entre ces dates que la bascule a lieu. En vingt ans, la photographie atteint l’âge adulte. C’est le temps de la litho et de la photo. De l’un à l’autre, se retrouve – et se revit – l’équivalent d’une nouvelle Querelle des Anciens et des Modernes. Dans un rêve célèbre de Baudelaire, qui a été étudié par Michel Butor et plus récemment par Roberto Calasso, le poète aperçoit, dans une « grande maison de prostitution », « des dessins, des miniatures et des épreuves photographiques » ; le récit de ce rêve traduit toute l’ambivalence de Baudelaire à l’égard de la mode de la gravure et de la photographie. Coexistent ainsi, dans ce rêve, l’ancien et le moderne, la litho et la photo. On retrouve cette même idée dans Mademoiselle Bistouri, dont l’héroïne collectionne les portraits de médecin : elle a des lithos pour les plus anciens – les mandarins – et des photos pour les internes et les externes.

Mais Baudelaire n’en livre pas moins, dans le Salon de 1859, un véritable procès à la photographie (« Le public moderne et la photographie »), même s’il est difficile de séparer ce texte de son contexte : à savoir les rapports compliqués qu’ont entretenus Baudelaire et Nadar. Les relations de Baudelaire à la photographie sont en partie celles de Baudelaire à Nadar. Ce texte peut donc être lu avant tout comme une trahison du photographe, son ami.

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