Résumé
Après l’exploration du champ sémantique de la « sacralité », c’est le champ de la « régulation » et, avec lui, le registre de la themis qu’ouvre la présente leçon. Sur cet arrière-plan se dessine, en négatif, le monde des Cyclopes de l’Odyssée, des monstres enfermés dans un état asocial et apolitique. En positif, la themis induit, toujours chez Homère, les comportements attendus et adéquats dans le cadre rituel, ainsi que dans les domaines de la vie affective et sociale. Dans la Théogonie d’Hésiode, la conformité à la themis s’applique également au monde des dieux, avec la nécessité qui s’impose à Zeus d’assurer une bonne répartition des honneurs entre ses pairs. Comme Homère, Hésiode évoque les themistes (themis au pluriel) en tant que préceptes qui commandent à des décisions de type politique, au sens large des conditions de la vie en société. De telles décisions sont des dikai (dikē au pluriel) qui doivent être « droites ». En tant qu’exigence d’équilibre divinisée, Themis apparaît aussi dans l’ordre généalogique structuré par la Théogonie. Unie à Zeus, elle enfante Eunomia, « Juste répartition », Dikē, « Justice », et Eirēnē, « Paix », qui en déploient les potentialités de régulation et d’ordonnancement sous l’autorité du roi de l’Olympe. L’exercice adéquat de la themis est associé à la prospérité et à la paix dans les micro-sociétés du face-à-face et de tradition orale que sont les poleis naissantes de la poésie archaïque. Le «droit coutumier » (themistes et dikai) qui transparaît des vers d’Homère et d’Hésiode est arrimé aux espaces de délibération collective, comme le « cercle hieros » du chant XVIII de l’Iliade, qui sont voisins des autels des dieux, le tout conduisant à qualifier une cité de hiera.