Résumé
L’objectif du cours est de montrer l’utilité du concept de « bibliothèque invisible », de rendre visible et concret ce qui, dans ces bibliothèques invisibles, aurait tendance à vouloir échapper au regard, d’autant que s’interpose entre la bibliothèque invisible et nous une autre bibliothèque, bien matérielle, susceptible d’accaparer toute notre attention, la bibliothèque comme institution réelle, comme lieu situé dans l’espace et le temps. La bibliothèque visible est le masque de la bibliothèque invisible.
Ce qui est nommé ici « bibliothèque invisible » ou « bibliothèque mentale » désigne un ensemble d’œuvres de nature langagière dont un individu ou un groupe peut avoir une conscience ou une représentation plus ou moins distincte. Autrement dit, il s’agit d’une représentation mentale de collections d’œuvres et de textes, existant au niveau individuel ou collectif, plus ou moins explicite ou consciente, et qui, quoique mentale et non matérielle, n’en exerce pas moins parfois des effets sur la réalité. Ce dernier point est important : si les bibliothèques invisibles restaient toujours invisibles, on pourrait à la limite s’en désintéresser et les tenir pour des objets négligeables. Or, c’est précisément parce que ces bibliothèques ont des effets dans le monde qu’elles doivent nous intéresser. L’un des effets principaux des bibliothèques mentales consiste dans la création et l’organisation de bibliothèques réelles. Toute bibliothèque matérielle reflète une bibliothèque invisible, celle de ses créateurs. Il n’y a pas de bibliothèque empirique qui ne soit précédée d’une représentation mentale de l’organisation des œuvres qui la composent. Autre différence entre la bibliothèque matérielle et la bibliothèque invisible : une bibliothèque invisible n’a pas besoin d’une bibliothèque matérielle pour exister ; mais la réciproque n’est pas vraie. Toute bibliothèque matérielle est basée sur une bibliothèque invisible.