Résumé
À travers une lecture d’un passage du livre de Néhémie, au chapitre 8, rapportant la lecture du livre de la Loi de Moïse par Esdras à la porte des Eaux, à Jérusalem, en 458 ou 398 avant notre ère, nous pouvons nous intéresser de plus près à un moment qui souvent est passé sous silence dans les traditions religieuses : le moment de la canonisation, le moment d’inauguration et d’officialisation d’un canon.
Qu’est-ce qu’un canon ? Canon est un mot d’origine grecque. En grec ancien, kanôn désigne à l’origine une tige de roseau, puis toute barre ou baguette de bois longue et droite. Par extension encore, kanôn en vient tout naturellement à nommer une règle, d’ordinaire en bois, qui sert à mesurer, comme en usent les maçons et les charpentiers. Enfin, une nouvelle extension sémantique fit ressortir le sens abstrait de règle, de principe, de modèle. De façon plus générale, le canon peut référer à toute liste d’œuvres destinées à la lecture ou à l’étude en raison de leur qualité, de leur valeur ou de leur représentativité.
Cette signification du canon comme liste ou sélection d’œuvres domine incontestablement l’usage des deux derniers siècles, et elle a pris le pas sur le premier sens du mot, à savoir les règles ou les principes d’écriture qui doivent prévaloir. De façon plus générale, on peut considérer que la notion de liste est constitutive de celle de canon : le canon de Polyclète énumère un certain nombre de règles à respecter pour obtenir une bonne représentation du corps humain ; le canon d’un rituel donné (qu’il s’agisse de l’intronisation d’un pharaon dans l’Égypte ancienne ou de la messe catholique romaine) énumère les éléments fixes du rituel qu’il importe de ne pas omettre pour que le rituel soit valide et efficace (ainsi la prière de consécration des offrandes dans ce qu’on nomme le canon romain de la messe). Un canon est donc un ensemble de principes ou de textes de référence pour un usage donné, de type religieux, artistique, littéraire ou culturel au sens large.