Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Résumé

Le classement est l’acte fondateur de toute pensée. Dans Penser/Classer, Perec a trouvé une voie médiane entre le catalogue sentimental et mémoriel et le catalogage bibliothécaire, qui correspondait à sa vie professionnelle. Faute de pouvoir ranger correctement les livres, Perec envisage de les classer selon leur capacité plus ou moins grande à être rangés, selon une sorte de mise en abyme vertigineuse de la bibliothèque. Au terme de ce processus, on retrouve l’inclassable à proprement parler, le résidu irréductible. On retrouve chez Perec une aporie fondamentale de tout projet de classement, entre « l’illusion de l’achevé » et le « vertige de l’insaisissable ».

Classer ou ne pas classer, telle est la question. Dans les deux cas, une pensée est engagée. Et c’est elle qu’il faut mettre en évidence. Nous sommes embarqués malgré nous dans des bibliothèques qui, depuis des siècles, ont voulu classer leurs ouvrages. Lorsque nous entrons dans une bibliothèque, cette pensée du classement peut s’exprimer d’une manière très concrète : à travers des fiches bristol rangées dans des casiers, dans le cas d’une bibliothèque à l’ancienne. Mais cette expérience de vie n’a plus cours depuis que les catalogues sont informatisés, depuis le début des années 2000. Aujourd’hui, ils ont basculé sur Internet.

À l’époque où les fichiers papier existaient encore, le passage par la salle des catalogues jouait le rôle d’une épreuve initiatique. La délocalisation numérique des catalogues a en grande partie supprimé cette épreuve et ce sentiment. Le catalogue est aujourd’hui la partie visible de la bibliothèque. Il demeure la porte d’entrée dans la bibliothèque, même pour ceux qui ne se sont pas inscrits à la bibliothèque. Pour autant, cette ubiquité dédramatise l’entrée dans la bibliothèque, elle ne supprime pas tous les mystères de la consultation. Il y a une pensée du catalogue, une pensée plus ou moins implicite et qui n’est pas toujours une pensée du catalogueur.

À quoi pensent donc les catalogues ? Les catalogues par auteur ou par titre expriment la pensée de fond de la bibliothèque, la pensée du fonds de la bibliothèque, à savoir la pensée des ouvrages. Tous les fonds des bibliothèques n’expriment pas la même intensité de pensée. Une bibliothèque de dépôt légal, une bibliothèque nationale, pense moins qu’une bibliothèque plus petite, parce que la première accueille par principe tous les livres (c’est son projet), alors que la seconde opère une action de sélection. Il y a également d’autres parties du catalogue qui expriment une pensée : le catalogue par sujet, et la cote de l’ouvrage.