Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Résumé

« Les bibliothèques invisibles », tel est le titre du cours de cette année.

Les bibliothèques visibles sont celles – matérielles, tangibles – auxquelles on pense tout de suite lorsqu’on prononce le mot bibliothèque : les bibliothèques de quartier, les bibliothèques des hôpitaux et des prisons, les bibliothèques nationales. Mais la bibliothèque mondiale, elle, est invisible. D’une manière générale, on peut noter que les bibliothèques peuvent être invisibles de plusieurs manières : parce qu’elles sont mentales, cachées, perdues, censurées, ou bien parce qu’elles n’existent pas encore. Le cours de cette année explorera un certain nombre de cas particuliers de bibliothèques invisibles, sans se limiter à ce qu’on appelle aujourd’hui les bibliothèques virtuelles (comme Gallica, par exemple).

La bibliothèque désigne ici toute collection de textes et repose sur une distinction fondamentale entre la notion de texte et celle d’œuvre : ces deux entités ne fonctionnent pas de la même manière, comme le montrent les situations où un texte illisible est le support d’une œuvre parfaitement lisible (l’exemple de l’helléniste Paul-Louis Courier) ou bien, inversement, où un texte lisible est le support d’une œuvre illisible (l’exemple du poète grec Lycophron et son poème Alexandra).

« L’œuvre de l’esprit n’existe qu’en acte », disait Paul Valéry. C’est la lecture qui fait vivre les textes, et dans la culture occidentale il y a un lien très fort entre les bibliothèques invisibles et les bibliothèques matérielles. Dans d’autres cultures, ce lien est moins fort, ce qui donne naissance à des bibliothèques entièrement immatérielles : les poèmes védiques avaient, par exemple, interdiction d’être mis par écrit parce que l’écrit aurait été une profanation de ces textes sacrés. Mais la bibliothèque immatérielle, et donc invisible, n’est pas l’apanage des cultures orientales ; elle incarne même le cas général. Les bibliothèques matérielles ne suppriment pas les bibliothèques mentales ; elles n’en constituent que le support. Les bibliothèques invisibles nous renvoient aux fondements mêmes de notre culture.

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