La situation muséale post-1793 s’effondra avec la chute de l’Empire en 1814 puis 1815, lorsque les Alliés européens chassèrent Napoléon une seconde fois. S’ensuivit une grande discussion européenne pour statuer du devenir de ce patrimoine européen accumulé pendant deux décennies par la France : celle-ci mobilisa tous les intellectuels de l’époque, par exemple Jacob Grimm, Stendhal, le sculpteur Canova, Goethe, le directeur de l’Académie de Bologne, des ecclésiastiques comme Carlo Fea, également antiquaire, et les élites cosmopolites, comme Alexander von Humboldt. Deux grandes positions s’affrontèrent. Pour les uns, il fallait que l’art soit réparti « comme dans un ciel étoilé », que chaque petit village ait au moins une œuvre ; pour les autres, il fallait, au contraire, centraliser les œuvres et, ainsi, affirmer la puissance nationale grâce à de grands musées, existants ou à bâtir. À Berlin, par exemple, l’opinion publique souhaita que les chefs-d’œuvre reconquis ne fussent plus jamais dispersés et soustraits à la vue dans des collections dynastiques privées, mais regroupés dans un établissement, et accessibles à tous.
Après cette grande discussion qui dura deux à trois ans, le modèle français d’affirmation nationale s’imposa en Europe, nouant un lien indissociable entre les arts et les armes, entre la force patriotique et la culture. Le paysage européen des musées fut alors recomposé par rapport à celui d’Ancien Régime. Pour accueillir les œuvres issues de cette grande restitution de 1815, de nouveaux musées publics furent créés et ouverts au public, comme la Pinacothèque vaticane, la Glyptothèque de Munich, achevée en 1830, le Altes Museum de Berlin dont l’idée naquit en 1815, le musée du Prado en Espagne, etc. Nous sommes les héritiers actuels de cette grande restitution de 1815, qui marqua le point de départ d’une nouvelle géographie des arts et des musées en Europe.