Dans le dernier tiers du XIXe siècle, à mesure que les grands États nationaux et les empires se formèrent en Europe, les musées des capitales entrèrent dans l’ère de la « gigantomanie ». D’une part, ils acquirent une taille immense, en étant aménagés, comme les deux grands musées impériaux de Vienne, construits en 1891, ou réaménagés, comme le British Museum ou les musées impériaux du Louvre qui, dans leur nouvelle architecture, furent au nombre de treize – le Louvre était alors une agglomération de différents musées. Cette période constitua un boom des musées, dans toutes les villes de province, comme Amiens ou Marseille, et en Europe, à Budapest ou le Rijksmuseum d’Amsterdam.
D’autre part, ces musées accumulèrent de plus en plus d’objets grâce à l’amélioration des moyens de transport (bateau à vapeur, chemin de fer), permettant l’acheminement d’œuvres elles aussi monumentales, comme la Victoire de Samothrace en 1863. Le projet berlinois de l’île aux Musées, Museumsinsel, est emblématique de ce phénomène. L’Empire allemand mit du temps à se constituer et fut unifié après la guerre avec la France, en 1870-1871. Devenue la nouvelle capitale, Berlin devait alors rivaliser avec Londres et Paris, capitales des empires coloniaux britannique et français : un concours d’architecture fut lancé en 1884, pour doter la ville d’un musée. Les participants devaient intégrer une contrainte : l’île aux Musées était traversée par une ligne de chemin de fer, la ligne Paris-Moscou. Germa l’idée de planter, entre Paris et Moscou, un immense musée d’antiquités à Berlin, abritant les objets exhumés par les Allemands à Olympie et Pergame – le grand autel fut trouvé en 1878 – et qui serait traversé par la voie ferroviaire. Ainsi, l’Empire allemand signifiait aux voyageurs qu’en passant par Berlin, ils traversaient une ville moderne, avec des musées nouveaux, mais également l’Antiquité. Le musée colossal avait ainsi une visée géopolitique et symbolique très fortes.