Entre les années 1900 et la veille de la Seconde Guerre mondiale, les musées européens, dont les collections ne cessaient d’augmenter, subirent une double crise, à laquelle ils répondirent avec un succès plus ou moins grand.
D’une part, les musées connurent une crise de sens, de la part du public, donc la fréquentation ne cessa de décroître, concurrencée par le cinéma ou d’autres amusements urbains, mais également de la part des élites intellectuelles et artistiques. Pour les futuristes, en 1909, le musée était un « dortoir public », taxé d’un passéisme paralysant ; en 1923, Paul Valéry qualifia les musées de « cimetières » et, en 1926, Carl Einstein, de « grande chambre froide de la curiosité blanche ». Ce furent les musées allemands qui, les premiers, tentèrent de répondre à cette crise, en augmentant leur attractivité auprès d’un public élargi. Wilhelm von Bode inventa une muséographie moderne pour son nouveau musée, inauguré en 1904 sur l’île aux musées à Berlin : prenant le contre-pied des grandes galeries qui épuisaient le public, et du trop-plein des cimaises accumulant les œuvres sur plusieurs registres, il conçut de toutes petites salles, sobres, variées et rythmées, alternant peintures et sculptures, et donnant de l’air aux œuvres. Les musées britanniques, puis français, s’en inspirèrent : lors des réinstallations des collections en 1920, le Louvre donna plus d’espace aux œuvres. Une autre solution pour sortir de la crise muséale consista dans le travail pédagogique plus appuyé vers les classes populaires : le premier congrès eut lieu en Allemagne en 1904 et, dans les années 1920, les nouvelles technologies furent utilisées au service des publics, comme le gramophone sur roulettes à Berlin et l’utilisation du cinéma – ce fut Hans Curlis qui eut l’idée de filmer les musées de Berlin, innovant dans les prises de vues pour montrer les œuvres sous un angle nouveau, ainsi que les coulisses des musées.
D’autre part, les musées européens connurent une crise patrimoniale, menacés de ne plus pouvoir enrichir les collections sur leur propre marché, face à la concurrence des États-Unis. Par leur monnaie forte et le déplacement de l’hégémonie économique après la Première Guerre mondiale, les collectionneurs et musées américains purent acquérir des œuvres au nez des musées européens – ce fut le cas, notamment, au moment des ventes aux enchères russes à la fin des années 1920, dispersant des chefs-d’œuvre de l’Ermitage – et même démonter et transporter à leurs propres frais des monuments entiers, dont le Cloisters Museum de New York constitue un exemple emblématique. Face à cette menace, les États européens légiférèrent, comme l’Allemagne qui constitua une « liste des œuvres d’importance nationale », interdites d’exportation, dans le but d’enrichir leurs propres musées nationaux.