L’année 1793 fut une année « chaude », marquant la création du Musée central des arts, l’actuel musée du Louvre, et l’émergence d’une nouvelle doctrine en 1794 : l’art, étant un produit de la liberté, il devait être rapatrié au pays de la liberté, c’est-à-dire en France. Cette date constitua une rupture : après 1794, la France considéra qu’elle devait avoir le « plus beau musée de l’univers » et acquit, par les armes, des œuvres venues des Pays-Bas, de l’espace germanique et de l’actuelle Belgique – Cologne, Gand, Anvers. En 1796, les villes italiennes furent mises à contribution avec des manuscrits, des statues antiques et des tableaux extrêmement célèbres. En 1797-1798, et dans les années qui suivirent, les départements de la rive gauche du Rhin devenus français durent, comme les autres départements, envoyer à Paris ce qu’ils avaient de mieux comme manuscrits et en œuvres d’art. En 1800, une cinquantaine de tableaux de Bavière vinrent grossir les collections de la capitale française, comme La Bataille d’Alexandre d’Albrecht Altdorfer. En 1806-1807, la Prusse et ses pays alliés, puis l’Autriche, livrèrent environ mille tableaux, une centaine d’œuvres antiques et des manuscrits précieux, puis l’Espagne après la guerre civile de 1808-1809. Enfin, à partir de 1811, Dominique-Vivant Denon, le directeur du Louvre, fit une dernière mission en Italie, collectionnant les « primitifs » italiens, et envoyant des œuvres de Cimabue, Fra Angelico et Giotto, aujourd’hui encore au Louvre.
En une quinzaine d’années, Paris absorba ce qui se faisait de mieux dans les collections publiques, les collections aristocratiques européennes et les églises, et forma, en effet, ce que Dominique-Vivant Denon appela « le plus beau musée de l’univers ». Après des débuts chaotiques, le Louvre rattrapa son retard européen entre 1793 et 1803, et réussit à former un musée scientifique, très bien organisé, si bien que tous les voyageurs européens, y compris les Anglais, furent fascinés par ce grand musée, un musée public enchanteur. Son succès fut énorme malgré ses origines spoliatrices : les visiteurs prirent en compte ces deux aspects, considérant que la manière dont s’était formé ce musée était politiquement incorrecte mais profitant de cette réunion considérable d’œuvres d’art à Paris.